Par Adélaïde Alavoine, diététicienne à l’Unité Transversale de Nutrition Clinique (UTNC) du CHU de Reims – Décembre 2022

Le changement du mode alimentaire de ces dernières décennies avec l’augmentation des aliments transformés, la diminution de la consommation de fibres et l’augmentation d’une alimentation plus calorique ; est en corrélation avec l’augmentation de l’obésité, du diabète et des maladies cardio-vasculaires.

De nombreuses études démontrent que diminuer l’index glycémique (IG) des aliments et adopter une alimentation à IG bas permettrait d’améliorer le contrôle glycémique chez tous les patients diabétiques (type 1, type 2 et diabète gestationnel), d’améliorer les bilans lipidiques voire même de diminuer la surcharge pondérale.

L’IG est le pouvoir de l’aliment à faire augmenter la glycémie, pour une quantité d’aliment comportant 50g de glucides, en comparaison avec 50g de glucides de référence : le glucose (IG =100). Par exemple, on pourrait comparer l’élévation de la glycémie suite à l’ingestion de 320g de pommes de terre cuite à l’eau* en comparaison avec 50 g de glucose (Source : Ciqual, ANSES). Les aliments à IG élevé (> 70) contiennent des glucides digérés, absorbés et métabolisés rapidement donc entrainent une augmentation plus importante de la glycémie. (Figure 1)

 

Aliments IG Aliments IG Aliments IG
Fruits Céréales, produits céréaliers et dérivés Légumes secs, tubercules et dérivés
Cerise 22 Pâtes au blé complet, cuites 37 Haricots blancs/rouges cuits 28
Abricot sec 31 Pâtes cuites 44 Lentilles, cuites 30
Poire 33 Boulgour cuit 48 Pois cassé, cuit 32
Pomme 38 Muesli 49 Chips 54
Prune 39 Maïs doux en épi, cuit 54 Pomme de terre cuite à l’eau 56
Fraise 40 Riz complet, cuit 55 Frites 75
Orange 42 Pain de seigle 58 Fève, cuite 79
Banane 52 Riz blanc, cuit 64 Pomme de terre purée, à base de flocons reconstitués 85
Kiwi 53 Pancake nature 67 Produits sucrés
Abricot 57 Pain complet 71 Cacahuètes enrobées de chocolat 33
Ananas, frais 59 Cornflakes nature 81 Confiture ou gelée de fruit 51
Figue sèche 61 Pain blanc 95 Barre chocolatée 55
Melon 65 Légumes verts Gâteaux secs (moyenne) 59
Jus et boissons sucrées Carotte, crue ou cuite 47 Muffin au chocolat, myrtilles 59
Jus de tomate 38 Petit pois, cuit 48 Glaces 61
Jus de carotte 43 Betterave roue, crue ou cuite 64 Sablés 64
Oranges pressées 50 Navet, cru ou cuit 72 Popcorn sucré 72
Sodas divers 63 Panais, cru ou cuit 97 Céréales au blé soufflé chocolaté 77

Figure 1 : Exemples d’index glycémique (IG), d’après « Regard Nouveau sur les glucides pour la pratique en Diabétologie », Groupe de travail SFD Paramédical et AFDN 2016 (7)

 

L’IG est une propriété de l’aliment lui-même représentant sa qualité glucidique qui est importante à considérer en parallèle de sa quantité glucidique.

L’IG d’un glucide ou d’un aliment glucidique est influencé par différents facteurs :

  • la nature du ou des glucides présents dans l’aliment
  • la présence de protéines, de lipides et de fibres
  • la transformation de l’aliment

La nature des glucides (oses)

Les différents types d’oses n’ont pas le même IG. Le glucose est la référence pour l’IG car il est absorbé immédiatement, en d’autres termes il est le plus hyperglycémiant.

Le fructose est moins hyperglycémiant car il est métabolisé en grande partie au niveau hépatique, son IG est très faible. En faible quantité (<10g/repas) celui-ci pourrait donc améliorer le contrôle glycémique en contribuant à diminuer l’IG des repas. Cependant, le fructose consommé en excès (> 50g par jour en dose cumulée intégrant le fructose contenu dans le saccharose) peut être à l’origine d’une majoration de la graisse viscérale, d’une dyslipidémie (hypertriglycéridémie), ou encore d’une stéatose hépatique non alcoolique (figure 2).

 

Aliments  Quantité de fructose libre (en g) pour 100g d’aliment Quantité de saccharose (en g) pour 100g d’aliment Quantité totale de fructose (en g) pour 100g d’aliment
Orange 2.1 3.5 3.8
Jus de fruit 3.19 2.89 4.6
Soda, tout type 3.69 1.89 4.6
Pomme 5.96 1.38 6.6
Glace ou crème glacée 0.57 13.7 7.4
Jus de raisin 8 0.1 8
Raisin, cru 8.13 0.15 8.2
Chocolat noir à 70% cacao minimum, extra 0.2 17.9 9.1
Muesli 3.98 14.3 11.1
Céréales pour petit-déjeuner 0.97 21.2 11.6
Compote, tous types de fruits 7.26 9.8 12.1
Biscuit sec 0 24.5 12.2
Pâtisserie 2.95 18.9 12.4
Cake aux fruits 8.52 12.4 14.7
Pain d’épices 15.5 0.72 15.9
Chocolat au lait, tablette 0.1 42.3 21.2
Chocolat blanc, tablette 0.2 43.4 21.9
Cacahuètes enrobées de chocolat dragéifiées 0.2 44.3 22.3
Guimauve 3.6 40 23.6
Bonbons, tout type 1.35 44.9 23.8
Crème de marrons 0.2 49.5 24.9
Pâte à tartiner chocolat et noisette 0.3 50.2 25.4
Fruit confit 18.2 8.22 26.3
Sirop, sucré à diluer 17.3 19.4 27
Confiture ou marmelade 15.3 24.2 27.4
Pâtes de fruit 9.53 41 30
Sirop d’érable 0.43 61.5 31.2
Datte séchée 31.1 0.52 31.3
Raisin sec 36 0.2 36
Miel 39.9 1.24 40.6
Sucre blanc 0 99.8 49.9

Figure 2 : Quantité de fructose (en g) dans 100g d’aliments en tenant compte de la quantité de fructose libre et de saccharose, d’après « La table de composition nutritionnelle Ciqual » Anses.

 

Le degré de polymérisation du glucide et la proportion d’amylose/amylopectine (les 2 polymères de l’amidon) influencent la digestion et l’absorption de celui-ci (figure 3). En présence d’eau, de chaleur et de transformation mécanique, la gélatinisation de l’amidon se produit, c’est-à-dire que les liaisons de l’amidon se brisent, les grains d’amidon vont alors se gonfler en absorbant l’eau, ce qui donne au glucide une texture visqueuse et transparente. C’est ce qu’il se passe quand on fait cuire un féculent, et plus la cuisson est longue, plus la gélatinisation est importante. Un amidon gélatinisé est plus sensible à l’action des enzymes digestives (alpha-amylases), ce qui augmente la vitesse d’absorption de l’aliment et donc l’augmentation de l’IG (exemple des pâtes al dente (IG = 40) vs. les pâtes à cuisson prolongée (IG =60)). Le seuil de gélatinisation est différent pour chaque féculent : les pâtes ont une meilleure résistance thermique que le riz ou les pommes de terre.  Les féculents les plus riches en amylose comme les pâtes et les légumes secs, ont un IG plus faible.

 

Figure 3. Classification des glucides en fonction de leur degré de polymérisation (DP) :

·       Glucides simples (DP≤ 2) : oses (glucose, dextrose, fructose, galactose), diosides (saccharose, lactose, maltose), polyols (sorbitol, xylitol, maltitol)

·       Glucides complexes :

–        oligosides (3≤ DP≤9) : maltodextrines, fructo-oligosides/FOS, galacto-oligosides/GOS, xylo-oligosides/XOS, polydextrose

–        polyosides (DP³10) digestibles : amidon, glycogène

–       polyosides non-digestibles = fibres : cellulose/pectine/ hémicellulose/B-glucanes/gommes/mucilages /hydrocolloïdes)

 

De plus, transformer un glucide complexe par action mécanique, augmente sa digestibilité par gélatinisation de l’amidon (exemple de la pomme de terre cuite à l’eau (IG = 56) vs. la pomme de terre mixée en purée (IG =80)). De même, la taille des particules joue sur la réponse glycémique à l’aliment : la farine de blé a un IG plus élevé que la semoule de blé à grains moyens/gros. Plus les particules sont petites, plus l’eau et les enzymes y pénètrent rapidement.

 

Les protéines

L’ajout de protéines aux glucides, en stimulant les cellules β pancréatiques, augmente la sécrétion d’insuline et induit une augmentation de la réponse insulinique (taux d’insuline dans le sang après ingestion d’un aliment ou d’un repas glucidique). Les protéines stimulent également les hormones intestinales (cholécystokinine et polypeptides inhibiteurs gastriques) qui ralentissent la vidange gastrique.

Le gluten de blé, de par son réseau de protéines, forme une barrière aux enzymes digestives qui ont pour rôle de dégrader l’amidon (les pâtes industrielles ont un IG plus bas que le riz ou les pommes de terre).

En conclusion, l’IG d’un repas diminuerait avec l’ajout de protéines.

 

Les lipides

Leur impact sur l’index glycémique reste controversé : certaines études indiquent que les lipides n’ont aucun impact sur l’absorption des glucides ; d’autres montrent que les lipides diminuent l’IG d’un aliment ou d’un repas glucidique.

Les études de Normand et al, 2001[1] et de K.A Hatonen, 2011[2] mettent en évidence que les lipides réduisent la réponse insulinique, la vidange gastrique et favorisent la sécrétion d’incrétines (GLP-1) par les cellules intestinales (cellules endocrines de l’épithélium intestinal) qui stimulent la sécrétion d’insuline par les cellules β du pancréas.

Cette conclusion expliquerait l’impact d’un repas riche en graisses sur les glycémies post-prandiales chez les diabétiques de type 1 insulino-dépendants où il est fréquent de retrouver une concentration de glucose dans le sang qui reste constante voire qui diminue avec l’apparition d’une hypoglycémie dans les 2-3 premières heures post-prandiales. Ce phénomène est expliqué par le ralentissement de la vidange gastrique lié à la présence de lipides, réduisant ainsi l’index glycémique du repas. Cependant, on remarque une hyperglycémie tardive, survenant la plupart du temps à 4-5 heures post-prandial en lien avec la résistance à l’insuline créée par les acides gras libres et leur effet sur la production hépatique de glucose[3].

 

Les fibres

Les féculents riches en fibres (céréales complètes et légumes secs) contiennent des quantités moindres d’amylopectines et ont plus de fibres solubles et d’amylose, ce qui entraine une diminution de la digestibilité des féculents et un ralentissement de l’absorption des glucides, donc une diminution de l’IG de l’aliment ou du repas.

Quelle que soit la nature des fibres (solubles ou insolubles), celles-ci ont la capacité d’augmenter la viscosité du contenu gastro-intestinal et de ralentir la vidange gastrique et l’absorption du glucose. Les parois végétales épaisses des céréales non broyées et des légumes secs, résistent à la cuisson et à l’activité des enzymes digestives, ce qui leur confère un IG plus bas que celui de la plupart des féculents.

Les fibres des fruits et légumes permettent également de diminuer l’IG d’un repas par les mêmes mécanismes de ralentissement de la vidange gastrique.

 

L’acidité

L’acidité comme celle du vinaigre, du jus de citron, ou de la vinaigrette, mais aussi les acides organiques sous forme d’acide et de sel (acide lactique ou propionate de sodium : utilisé comme conservateur dans certains pains), les saumures et les marinades peuvent modifier la vidange gastrique en la ralentissant et donc diminuer l’IG des aliments qui en contiennent.

Les fermentations traditionnelles utilisées pour la fabrication du pain génèrent des acides organiques et permettraient également de diminuer la charge glucidique : le pain au levain a ainsi un IG plus bas que celui de la baguette.

 

Effet sur le comportement alimentaire

Une analyse a été menée sur les effets induits par la consommation de repas à IG élevé sur la satiété et le comportement alimentaire[4]. Les repas ou aliments à IG élevé augmenteraient la valeur hédonique des aliments par libération de dopamine, qui serait plus importante si l’aliment est riche en glucides ou lipides. La dopamine active des régions du cerveau liées à la récompense et à l’envie. Ces événements physiologiques favorisent les fringales et l’envie de consommer des aliments riches en glucides à IG élevé et donc favoriseraient une suralimentation. L’activation accrue de cette région du cerveau, pourrait ainsi diminuer la disponibilité des récepteurs dopaminergiques et augmenter le risque de trop manger.

 

Conclusion

Les effets bénéfiques de la consommation d’aliments ou de repas à IG faibles ont été de nombreuses fois démontrés. La qualité des glucides est tout aussi importante à prendre en compte que leur quantité et permet de réduire la survenue de complications dans certaines maladies chroniques et d’améliorer le comportement alimentaire. Le fructose, même s’il a un IG plus faible que les autres glucides, est à consommer avec modération pour limiter la survenue de maladies métaboliques. Pour une patiente souffrant de diabète gestationnel, privilégier des aliments à index glycémique faible, permet de diminuer les variations glycémiques et d’obtenir un meilleur contrôle glycémique (la glycémie post-prandiale à 2 heures est plus basse, et les besoins en insuline sont moins importants)[5].

Les notions et les différences d’index glycémique sont intéressantes à prendre en compte, en revanche il est important de ne pas oublier que : le poids, la digestion, la sensibilité aux glucides et la résistance à l’insuline varient d’un individu à un autre. Chaque individu aura sa propre réponse glycémique à l’ingestion de glucides.

 

Références
  • [1] Normand, S., Khalfallah, Y., Louche-Pelissier, C., Pachiaudi, C., Antoine, J.M., Blanc, S., Desage, M., Riou, J.P. ,Laville, M. Influence of dietary fat on postprandial glucose metabolism (exogenous and endogenous) using intrinsically (13)C-enriched durum. 2001. Wheat. Br J Nutr, 86, pp. 3-11.
  • [2] A Hatonen. Protin and fat modify the glycaemic and insulinaemic responses to a mashed potato-based meal 2011.
  • [3] Kirstine J. Bell; Carmel E. Smart; Garry M. Steil; Jennie C. Brand-Miller; Bruce King; Howard A. Wolpert. Impact of Fat, Protein, and Glycemic Index on Postprandial Glucose Control in Type 1 Diabetes: Implications for Intensive Diabetes Management in the Continuous Glucose Monitoring Era. May 12 2015.
  • [4] Belinda S Lennerz, David C ALsop. Effects of dietary glycemic index on brain regions related to reward and craving in men, The american journal of clinical nutrition, volume 98, numéro 3, septembre 2013
  • [5] Tiziana Filardi, Francesca Panimolle, Clara Crescioli, Andrea Lenzi, and Susanna Morano1, Gestational Diabetes Mellitus: The Impact of Carbohydrate Quality in Diet , juillet 2019
Pour en savoir plus
  1. Martí Juanola-Falgarona, Jordi Salas-Salvadó, Núria Ibarrola-Jurado, Antoni Rabassa-Soler, Andrés Díaz-López, Marta Guasch-Ferré, Pablo Hernández-Alonso, Rafael Balanza, Mònica Bulló. Effet de l’indice glycémique de l’alimentation sur la perte de poids, la modulation de la satiété, inflammation et d’autres facteurs de risque métaboliques: un essai contrôlé randomisé, The American Journal of Clinical Nutrition, volume 100, numéro 1, juillet 2014
  2. AFDN et groupe de travail SFD. Regard nouveau sur les glucides pour la pratique en diabétologie  2016
  3. Huicui Meng, Nirupa R Matthan, Lynne M Ausman, Alice H Lichtenstein. Effect of macronutrients and fiber on postprandial glycemic responses and meal glycemic index and glycemic load value determinations. Author Notes The American Journal of Clinical Nutrition, Volume 105, Issue 4, April 2017, Pages 842–853
  4. Glucides et santé : etat des lieux, évaluation et recommandations, octobre 2004.
  5. S.A. Augustin / C.W.C. Kendall / D.J.A. Jenkins /T.M.S. Wolever /S. Baer-Sinnott /A. Poli. Glycemic index, glycemic load and glycemic response: An International Scientific Consensus Summit from the International Carbohydrate Quality Consortium (ICQC) ; Consensus| Volume 25, ISSUE 9, P795-815, September 01, 2015
  6. Dale S. Hardy, Jane T. Garvin, Hongyan Xu. Carbohydrate quality, glycemic index, glycemic load and cardiometabolic risks in the US, Europe and Asia Systematic Reviews and Meta-analyses| Volume 30, ISSUE 6, P853-871, June 09 2020,: A dose–response meta-analysis