La dégustation dans la prise en charge de l’obésité

Synthèse de l’échange de pratiques DisCO du 7 juillet 2023

Par Caroline Leclerc, Diététicienne

De par le caractère unique de chaque individu, la prise en charge des  personnes se doit d’être personnalisée et adaptée. Pour cela nous avons besoin d’une boite à outils, pour accompagner au mieux les patients. La dégustation, dans certaines situations,  peut aider la personne dans son cheminement. Cet article développera l’intérêt de la dégustation et le rôle du diététicien dans la pratique de cette approche.

 

La dégustation

Déguster, c’est “goûter avec attention un aliment dont on veut apprécier la qualité. C’est le soumettre à nos sens. La dégustation va amener la personne à porter attention à elle-même, à ses sensations, à l’aliment et à ce qu’il véhicule au-delà de son aspect nutritionnel.

Le goût est un sens particulier qui est indissociable des quatre autres sens : l’aliment envoie des messages qui concernent nos cinq sens. Ces perceptions commencent bien avant que l’aliment n’entre en bouche.

La description de l’expérience pourra être facilitée si la dégustation se pratique en conscience.

 

Intérêt de la dégustation 

Une séance de dégustation peut permettre de :

  • Travailler sur la restriction cognitive, retrouver le plaisir de manger et avoir un rapport plus serein avec son alimentation
  • Favoriser ou renforcer l’écoute de ses signaux intéroceptifs : faim, rassasiement
  • Comprendre son comportement face à certains aliments et identifier la dimension symbolique de certains aliments en libérant les émotions sous-jacentes

La dégustation peut également être proposée dans le cadre de la prévention pour :

  • Se familiariser avec les aliments, les explorer, découvrir ou  re découvrir des saveurs, aromes…
  • Travailler la néophobie alimentaire dans l’objectif d’élargir la diversité alimentaire

La dégustation peut permettre également d’inciter à ralentir la vitesse d’ingestion alimentaire en faisant prendre conscience de l’importance de la mastication et de l’écoute des sens lors du passage en bouche.

En osant savourer, les personnes peuvent se réapproprier le goût pour une meilleure régulation.

 

Rôle du diététicien

Lors de la séance de dégustation, il guide et accompagne la dégustation. Il favorise l’expression des ressentis de la personne. Il veille à rassurer son patient en lui expliquant que chacun à ses propres ressentis : « ce que vous ressentez vous appartient ». Il questionne la personne pour aider à reconnaître, à comprendre ses signaux alimentaires et prendre conscience de ce qui influence ses choix et comportements alimentaires. Enfin le diététicien accueille les émotions et les valide sans jugement.

Pour cette séance de dégustation, certains professionnels se demandent si le diététicien doit déguster ou pas avec le patient : « est-ce qu’il faut goûter avec le patient ?» « moi, je n’aimerais pas goûter quelque chose devant une personne qui m’observe, je serais trop mal à l’aise ». Sur ce point, il semble qu’il n’existe pas de protocole défini. L’essentiel est que le patient soit sécurisé et que le professionnel soit à l’aise. Le risque si le professionnel déguste aussi est qu’il soit moins attentif à ce qui se passe chez son patient.

D’autres encore se demandent si la dégustation peut faire peur au patient : « moi j’ai déjà essayé, mais le patient n’est pas revenu par la suite ». Lorsque l’on propose une séance de dégustation, il est important tout d’abord de bien expliquer au patient le but de cette séance et que cela fasse sens avec le travail qui aura été réalisé en amont et de ce qui en aura été dégagé. Ensuite seul le patient décide de faire ou non l’expérience, il doit se sentir prêt. Enfin, suite à cette dégustation, de nouveaux objectifs communs pourront être fixés pour le prochain rendez-vous, et donner une continuité à ce qui aura émergé lors de cette séance.

 

Points de vigilance

La séance de dégustation peut permettre de faire cheminer la personne, mais il est nécessaire d’être attentif sur certains points comme :

  • la préparation et la sécurisation du patient (climat de confiance, présentation de l’exercice)
  • l’assurance de l’adhésion du patient pour cet exercice
  • l’aisance avec l’exercice de part et d’autre (patient et professionnel)
  • se sentir prêt à accueillir les émotions du patient
  • laisser l’espace et la liberté d’expression sans donner ses propres ressentis pour ne pas influencer.

La dégustation est un outil parmi d’autres, elle ne peut pas se faire avec tout le monde et ne doit pas être systématique.

 

Pour résumer

  • La dégustation peut être un outil pédagogique intéressant pour le diététicien et les patients.
  • Elle peut être utilisée en individuel et/ou en groupe.
  • Elle peut permettre d’accompagner le patient dans son travail sur son comportement alimentaire, sur la restriction cognitive, sur l’attention portée aux signaux intéroceptifs…
  • Elle exige que le climat de confiance entre le patient et le diététicien soit établi.
  • Elle nécessite au préalable la détermination d’un objectif et l’accord du patient.
  • Elle ne peut pas être menée avec tout le monde
  • C’est un outil supplémentaire dans la « boite à outils » du diététicien, mais elle ne résout pas tout
  • Enfin, elle peut être le tremplin pour élargir l’accompagnement à d’autres professionnels si nécessaire.